Rencontre avec le compositeur Colin ROCHE

Jeudi 18 mars 2021

Colin Roche est né en 1974. Pianiste de formation, diplômé de Sciences Po, il est aussi titulaire d’une maîtrise de Composition, d’un D.E.A. de Musicologie sur les rapports entre musique et politique, et de deux D.E.M. en Culture Musicale et Composition. Il a notamment été l’élève de Philippe Leroux, puis de Brian Ferneyhough et Luca Francesconi dans le cadre de la Sesson Voix Nouvelles de la fondation Royaumont en 2004.
Il a été lauréat de l’Académie des Beaux-Arts en 2008, de la Fondation Beaumarchais en 2015, et a reçu le Prix Claude Arrieu en 2012 et le Grand Prix de la Musique Symphonique de la SACEM en 2018.

C’est dans le transdisciplinaire que Colin Roche creuse le plus souvent son sillon : le plasticien Simon Artignan, l’écrivain Sébastien Brebel, avec lesquels il travaille régulièrement, sont des partenaires artistiques de vie. Petites économies de nos pollutions (2004), La robe des choses – installation concertante (2006) ou l’opéra Le carnet de Grim (en cours) en sont les fruits. Particulièrement attentif au geste de l’interprète, à ce qui entoure la forme sonore, mais aussi à l’idée même de l’écriture musicale, son travail gravite autour de quelques figures fortes, tels le poète Francis Ponge, le réalisateur Robert Bresson ou le peintre Roman Opalka. Ainsi ont vu le jour ces dernières années des projets comme la performance Le livre des Nombres (2016), les études de voix Roman au miroir (Sisyphe à ma table) (2017) ou la première de ses études de main, Mouchette (2017). En 2018, Colin Roche a entamé la fabrication d’une méta-oeuvre, Le Registre, exposé en 2019 au MAC VAL.
Ses oeuvres sont publiées par les Editions Jobert – Paris et Maison ONA – Paris.

LE REGISTRE

Chaque jour, je m’éveille. À cet instant, je pense, et les années passant, je comprends mieux comment se structure ma façon d’être au monde, mais aussi ma façon d’entrevoir tout ou presque à travers le prisme de la création. Ce qui m’importe le plus dans l’invention, c’est la fabrique de celle-ci : comment telle image, tel son, telle discussion rebondit dans mon esprit, et rejaillit, parfois des années plus tard, dans mon travail.

Chaque jour, je m’endors. À cet instant, je ne sais pas ; ou bien j’imagine qu’en creux, dans ce blanc et ce silence, je métabolise tout ce que j’ai croi- sé, vu, entendu, senti, pour qu’au réveil prochain, de nouveaux sentiers s’éclaircissent, de nouveaux rebonds soient possibles.

Le jour d’après, je m’éveille et j’inscris dans Le registre ce qui a construit la journée précédente : j’archive, je tisse des liens, je construis. Le registre, mois après mois, devient cette méta-oeuvre, ou plutôt cette médiathèque imaginaire en forme de dédale. Chaque jour a son secret et ses ramifica- tions dans mon travail passé, dans celui qui est à venir. Tout ne fait pas sens immédiatement ; cependant…

Le registre est un index, c’est un dédale, ce sont des lignes, des traces, c’est une litanie mais ce sont aussi des minutes ; c’est une cartographie imaginaire autant qu’une archéologie, c’est une analyse des dermes de ma pensée autant qu’une histologie de mon rapport au monde. Au fil des mois de sa construction, le registre a pris toutes ces formes.